Le cycle menstruel est un paramètre clé de la performance des sportives — à condition de faire équipe avec son corps !

Cycle menstruel et performance sportive : faire équipe avec son corps !

J’ai eu la chance de suivre la formation de Juliana Antero sur les spécificités de la femme sportive. C’est une formation normalement ouverte aux kinés du sport, mais j’ai insisté pour m’inscrire car je ne pouvais pas concevoir d’accompagner des sportives, sur l’aspect mental, sans connaître l’impact de notre physiologie sur l’entraînement et la performance.

Juliana Antero est chercheuse à l’INSEP (Institut national du sport, de l’expertise et de la performance), particulièrement engagée dans l’étude de la performance des athlètes féminines et dans son optimisation, en tenant compte de la physiologie de la femme.

Elle fait partie des premières, en France, à avoir fait de cette question un véritable objet de recherche scientifique. Et il était temps : l’écart est immense entre le nombre colossal d’études menées pour optimiser la performance des athlètes hommes et le nombre dérisoire de recherches consacrées aux athlètes femmes. C’est ce qu’on appelle le sex data gap (j’y reviendrai dans une autre newsletter, car il y a beaucoup à dire sur le sujet).

Le cycle menstruel est un paramètre essentiel de la santé et de la performance féminine.

La physiologie féminine n’est pas linéaire, elle est cyclique — et même doublement cyclique :

  • Comme les hommes, les femmes suivent un rythme circadien (alternance jour/nuit).
  • Mais elles suivent aussi un rythme infradien mensuel : le cycle menstruel, généralement divisé en quatre phases : 1. les règles, 2. la phase pré-ovulatoire, caractérisée par une montée des œstrogènes qui favorisent la bonne humeur, la motivation et la force, 3. la phase post-ovulatoire, caractérisée par une montée de la progestérone qui procure un bien-être et une énergie positive, 4. la phase prémenstruelle, caractérisée par la chute de la progestérone et des œstrogènes, pouvant entraîner des variations d’humeur, une fatigue des douleurs.

Donc, de la même manière que notre énergie et nos besoins physiologiques ne sont pas les mêmes le jour et la nuit, ils varient aussi au fil du mois et des phases de notre cycle menstruel, qui sont caractérisées par des fluctuations hormonales.

Ces phases existent quand on a un cycle naturel (sans contraception) mais aussi avec certaines contraceptions, notamment les pilules qui ne sont pas prises en continue et autorisent la production d’hormones naturelles.Adapter plutôt que réduire

Dans la perspective des JO de Paris 2024, Juliana Antero a mené une étude long terme sur de nombreuses athlètes femmes, dont les conclusions sont très claires : la physiologie féminine et les fluctuations hormonales du cycle menstruel influencent la performance sportive. Cela ne veut pas dire que la performance est nécessairement diminuée, mais que la non-linéarité du cycle implique une adaptation de l’entraînement selon les phases du cycle, afin justement d’optimiser la préparation et la performance globale.

Juliana Antero précise que, pour s’adapter à la physiologie féminine, le volume global d’entraînement nécessaire d’une sportive de haut niveau ne doit pas être diminué, mais être ajusté en fonction des phases du cycle.

Pour schématiser : faire plus pendant les périodes où notre corps est dans une phase favorisant les entraînements intenses et faire moins pendant les phases où notre corps est plus fatigué et fragile.

En général, les indicateurs de charge et de bonne réponse à l’entraînement sont très favorables en phase pré-ovulatoire, puis diminuent en phase post-ovulatoire. Pour illustrer ce cas classique, voici un exemple d’adaptation du plan d’entraînement d’une sportive de haut niveau en fonction des phases du cycle :

  • Menstruation : récupération active, rééquilibrage musculaire, travail neuromusculaire avec charge.
  • Phase pré-ovulatoire : période optimale pour la travailler la force, la puissance et l’augmentation des charges, l’augmentation de la masse musculaire.
  • Phase post-ovulatoire : endurance de force, travail technique, changements de direction.
  • Phase prémenstruelle : mobilisation, proprioception, travail stratégique, récupération, stretching, relaxation.

Je précise qu’il s’agit d’un exemple que l’on ne peut pas généraliser car chaque femme à une sensibilité différente aux fluctuations hormonales.

Certaines sportives vont, par exemple, performer très bien en phase prémenstruelle, alors que d’autres vont ressentir une faiblesse musculaire et une fatigue. D’où l’importance de l’auto-diagnostic : écouter son corps, repérer ses signaux et ajuster son entraînement en conséquence.

S’entraîner de façon optimale en respectant son cycle limite les risques de blessures et permet d’être pleinement performante le jour de la compétition, même si celle-ci tombe pendant une phase moins favorable du cycle. Ce jour-là, l’athlète pourra encaisser une charge et un effort plus intense, et être performante même si la phase n’est pas optimale car elle aura été parfaitement préparée en amont.

De la même manière, pour toutes celles qui souhaitent relever un défi sportif (marathon, triathlon, 10 km, trail…), adapter son entraînement à son cycle menstruel augmente les chances d’atteindre son objectif et garantit d’être prête le jour J, quel que soit le moment du cycle, puisque le corps aura été mieux préparé.

Les symptômes menstruels peuvent impacter négativement la performance

Il faut distinguer les phases physiologiques du cycle et les symptômes du cycle.

Les fluctuations hormonales du cycle (par exemple la montée des œstrogènes après l’ovulation) constituent une donnée biologique commune à toutes les femmes, sauf en cas de dérèglement.

En revanche, les symptômes du cycle menstruel varient d’une femme à l’autre, tant par leur intensité — allant de très marqués à inexistants — que par leur nature : fatigue, douleurs pelviennes ou musculaires, maux de tête, céphalées de tension, crampes, troubles digestifs, irritabilité, anxiété.

Or, ce sont les symptômes qui nuisent à l’entraînement et à la performance sportive, et non le cycle en lui-même.

Ainsi, les symptômes ressentis pendant ou avant les règles ne doivent pas être banalisés (contrairement à ce qu’on nous a longtemps répété, il n’est pas normal de souffrir excessivement et toute douleur importante doit être discutée avec un médecin) et agir sur ces symptômes pour en atténuer les effets, améliore considérablement la qualité et la régularité des entraînements sportifs.

Pour ne pas voir ses performances affectées si la compétition tombe un jour où les symptômes sont importants (par exemple pendant les règles ou en phase prémenstruelle), il est essentiel d’avoir expérimenté plusieurs mois à l’avance les solutions permettant de les soulager.

Voici quelques méthodes clés pour atténuer les symptômes du cycle menstruel :

  • bandelettes chauffantes,
  • exercices de relaxation car le stress augmente le ressenti des symptômes,
  • massages légers,
  • prise d’antidouleurs,
  • une alimentation adaptée (éviter l’alcool et les aliments inflammatoires),
  • une activité physique adaptée, car le sport stimule la production d’endorphines et de sérotonine tout en diminuant les taux de prostaglandines qui jouent un rôle majeur dans les sensations douloureuses des règles.

La sophrologie, allié du sport féminin

Outre son rôle dans la préparation mentale, la sophrologie peut être un atout pour l’adaptation et l’optimisation de l’entraînement en fonction du cycle menstruel, en permettant de :

  • développer une réelle écoute du corps, de son rythme intérieur et de ses symptômes éventuels,
  • améliorer le sommeil et relâcher les tensions physiques et mentales en phase post-ovulatoire,
  • mobiliser le positif et réduire l’anxiété, l’irritabilité, le stress et les variations d’humeur pendant le syndrome prémenstruel,
  • atténuer les douleurs pendant les règles,
  • d’entrainer le mental (routine de performance, visualisation de geste en équivalence fonctionnelle, proprioception etc) quand l’entraînement physique doit être allégé.

Voilà, j’ai trouvé ça passionnant d’écrire sur ce sujet et j’espère que ça vous a plu aussi et n’hésitez pas à partager cet article pour que ces informations puissent servir aux femmes sportives de votre entourage.

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